mercredi 21 juin 2017

L’anacrim

 Zoom sur ce petit bijou de technologie, qui a conduit les gendarmes à entendre et placer en garde à vue cinq membres de la famille Villemin. Sans lui, l'affaire Grégory n'aurait peut-être pas connu ce spectaculaire rebondissement. Les interpellations menées mercredi par les gendarmes dans ce dossier tentaculaire (plus de 12 000 pièces, des centaines de témoins), sont le fruit d'un immense travail d'analyse de tous les éléments collectés, mené à l'aide du logiciel dit Anacrim.  INTERVIEW >> Affaire Grégory: "On sait que tout s'est joué dans l'univers familial"  Un logiciel-fichier utilisé officieusement par la gendarmerie pendant des années, jusqu'à ce qu'il soit régularisé par une loi en décembre 2005, et qui accompagne désormais le Service central du renseignement criminel (SCRC, en charge des cold case) et toutes les sections de recherche. Il permet d'aider l'analyste criminel à trier des masses gigantesques de données que le cerveau humain, seul, mettrait des années à traiter.  "Ce logiciel permet de déterminer toutes les hypothèses de travail et de préparer des stratégies d'audition de témoins. Il permet d'exploiter toutes les pistes et de les prioriser", explique au Parisien le colonel Didier Berger, chef du Bureau des affaires criminelles (BAC) de la gendarmerie.   Pièce à pièce, chaque procès-verbal établi dans un dossier est relu et décortiqué minutieusement. Il peut s'agir d'éléments constatés sur le terrain, de détails figurant dans une audition -lieux, dates, etc.-, de données ou d'écoutes téléphoniques, de filatures... Autant de matière qui, mise bout à bout dans une sorte de tableau croisé ultra-sophistiqué, peut permettre aux enquêteurs de relever des incohérences, des contradictions entre témoins, susceptibles de faire avancer l'enquête, voire de tirer un nouveau fil.   "On constitue une base de données avec tout ce que tout le monde dit et fait", expliquait il y a quelques semaines un ancien analyste criminel à L'Alsace. "Ce volume global est transposé sur un gros schéma sur lequel on zoome en fonction de ses recherches." AnaCrim permet ensuite de tester des hypothèses. "L'ordinateur ne réfléchit pas par lui-même, il ne se pose pas de questions. Je pose des questions à la machine qui va chercher dans le dossier", explique un adjudant-chef au quotidien régional.  Un gendarme qui a travaillé sur un attentat indépendantiste en Corse raconte pour sa part comment ce logiciel lui a permis de trouver la clé de l'énigme, grâce à l'analyse de fadettes: "J'avais remarqué un numéro de téléphone appelé deux fois et entre, une trentaine d'appels de dix secondes. C'était une chaîne d'alertes, un code. La tête de réseau indépendantiste bipait des gens pour une réunion clandestine." Anacrim est aujourd'hui utilisé par tous les grands services d'enquête européens, comme Europol.  

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